Interview de Florian Tosello, CEO de FirstPoint

Une agence digitale en période de COVID-19 Interview de Florian Tosello, CEO de FirstPoint

Publié le 09.03.2021 par Alexis Chappatte, Consultant en commerce numérique, Poste CH SA

FirstPoint est une agence digitale basée à Lausanne. Elle propose à ses clients des solutions de développement web (réalisation de sites web et boutiques en ligne), de marketing numérique ainsi que d’analyse de données. Nous avons demandé à Florian Tosello, CEO de FirstPoint, comment il a vécu l’année 2020 et les défis de la crise actuelle du COVID-19 en tant que prestataire numérique.

Florian Tosello, CEO de FirstPoint

Florian, comment as-tu personnellement vécu l'année très spéciale que fut 2020?

L’année avait plutôt bien commencé, jusqu’à ce qu’on comprenne que ce virus allait nous affecter aussi. Vint ensuite le premier confinement, que je n’ai pas trop mal vécu puisque j’ai pu remplacer mes temps de déplacement par des activités sportives. J’ai la chance d’habiter en Lavaux, qui est une région plutôt agréable pour se confiner, courir et profiter de vues incroyables sur le Lac Léman et les Alpes! Les choses se sont compliquées au deuxième confinement, puisque notre charge de travail a quasiment doublé et il a fallu gérer toutes les difficultés qui s’en sont suivies. La pandémie a eu des conséquences désastreuses, mais c’est incroyable de constater les capacités que peut avoir une société entière à s’adapter en si peu de temps à des changements majeurs.

Les bilans des entreprises suisses leaders dans le commerce numérique sortent en ce début d'année 2021, avec souvent une croissance spectaculaire de 30-40% de leur chiffre d'affaires en ligne en 2020 par rapport à 2019. Comment se présente la situation chez vos clients, ressentent-ils une pression accrue des grands acteurs du marché?

Nous avons peu de clients qui sont en concurrence directe avec les leaders suisses de l’e-commerce, plus généralistes: la majorité de nos clients sont plus spécialisés et n’ont donc pas forcément ressenti de pression des grands acteurs du marché. La pandémie a également rappelé l'importance des petits commerces, et beaucoup de Suisses ont préféré acheter en ligne auprès de plus petites entreprises, dans la mesure du possible.

Étaient-ils en règle générale bien préparés et outillés pour se concentrer sur la vente en ligne durant le confinement?

Certains de nos clients étaient déjà des «digital pure players» (activité à 100% sur le web) avant la crise sanitaire et ce sont ceux qui ont le mieux vécu cette dernière année car ils étaient prêts et n’avaient pas à combler les pertes d’une boutique physique. Pour d’autres, le numérique était un appui à leur activité habituelle, mais ils avaient déjà les outils et plateformes à disposition. Le numérique est alors devenu leur premier canal de vente, surtout pendant les périodes de confinement. Pour les entreprises qui n’utilisaient guère voire pas du tout le numérique dans leurs activités, cela s’est avéré plus compliqué pour plusieurs raisons. Premièrement, le fait de ne (toujours) pas savoir combien de temps va durer cette période particulière complique la décision de concentrer tous ses investissements sur le numérique alors qu’une reprise à court terme semble possible. Deuxièmement, se lancer dans l’e-commerce ne se fait pas du jour au lendemain: il faut définir une stratégie et allouer des budgets − pas toujours facile quand on voit son chiffre d’affaires baisser drastiquement − trouver les bons partenaires, répondre aux défis logistiques et techniques, adapter ses structures internes, etc. Quand on est une petite entreprise, c’est plus facile. Mais quand on doit transformer une société avec plusieurs centaines d’employés, c’est un vrai défi, qu’il faut pouvoir réaliser en quelques semaines alors qu’il prend normalement des mois voire des années.

Quelles ont été les demandes les plus fréquentes de vos clients? Avez-vous réalisé ou adapté plus de boutiques en ligne que d'habitude?

Nous avons reçu beaucoup de demandes pour de nouveaux sites e-commerce mais n’avons accepté que peu de nouveaux projets. Nos clients existants ont rapidement voulu renforcer leur présence numérique, ce qui représentait déjà pour nous un volume de travail élevé. Nous avons donc fait le choix de donner la priorité à nos clients historiques, et d’accepter de nouveaux projets uniquement lorsque c’était possible et que les conditions-cadres ainsi que les délais étaient maîtrisés. Les fonctionnalités les plus demandées sont étroitement liées aux restrictions dues à la crise: mise en place de solutions Click & Collect, optimisation et automatisation de la logistique pour gérer l’afflux de commandes, migration des stocks des boutiques physiques vers l’e-commerce.

Pour ce qui est du marketing numérique, y a-t-il eu des changements, des prestations davantage ou moins demandées que d’habitude? Ou qui ont eu un impact différent en raison du confinement?

Pour les clients actifs dans l’ e-commerce, il n’y a pas eu de changements importants au niveau de la stratégie en elle-même, mais plutôt des questions d’adaptations de budget qui se sont posées, pour répondre à la croissance des requêtes sur les moteurs de recherche. Pour ce qui est des clients du secteur des services ou des commerces traditionnels, certains ont fortement réduit voir complètement arrêté leurs campagnes de marketing numérique car ils n’étaient pas en mesure d’offrir des prestations conformes aux consignes sanitaires. D’autres ont mis en avant de nouveaux services, pour lesquels il a fallu préparer de nouvelles stratégies. Nous avons également noté une très nette accélération de la demande d’agences immobilières, quelle que soit leur taille ou les services qu’elles proposent.

Quels défis est-ce que FirstPoint a dû surmonter en tant qu'agence en 2020? Avez-vous dû vous adapter par rapport à ce que vous faites «en temps normal» ?

Il faut d’abord savoir reconnaître la chance que nous avons de pouvoir continuer à travailler, il est donc difficile de se plaindre. Fait étonnant pour notre domaine, nous ne proposions précédemment que peu de télétravail au sein de l’agence. Connaissant très bien le numérique et les outils qu’il offre, nous avons donc eu peu de difficultés à nous adapter à un modèle de télétravail complet. Nous avions quelques craintes, principalement en termes de productivité, d’organisation et de communication. Mais finalement, nous avons été agréablement surpris de voir que tout a naturellement bien fonctionné. Le vrai défi, ce sont mes collègues qui ont dû le surmonter: non seulement leur charge de travail a fortement augmenté, mais il a fallu ajouter à cela la pression des délais et des clients qui veulent être livrés rapidement pour compenser des ventes en baisse sur d’autres canaux. Ils ont fait un magnifique travail et nous leurs sommes extrêmement reconnaissants pour les efforts fournis.

Enfin, comment vois-tu l'évolution du commerce numérique en Suisse après la crise du COVID-19? Quels conseils donnerais-tu aux PME par rapport aux défis posés par la numérisation?

Le numérique et l’e-commerce sont en croissance constante depuis des années; ce n’est donc pas nouveau. Mais il y aura clairement un avant et un après COVID: certains clients qui hésitaient ou mettaient beaucoup de temps à accorder des budgets au numérique ont totalement revu leur stratégie. Je pense que la situation va continuer à évoluer dans ce sens. Il ne faut pas mettre de côté les commerces physiques, qui permettent d’obtenir des conseils avisés et jouent un rôle important dans notre société, mais l’e-commerce a cet avantage de réduire les coûts fixes inflexibles (notamment les loyers) qui ont posé tant de soucis aux entrepreneurs pendant cette pandémie. Le conseil que je peux donner est d’anticiper: durant des crises comme celle que nous vivons, la demande en solutions numériques explose et les fournisseurs (agences, indépendants) sont fortement sollicités. Les partenaires de qualité se retrouvent submergés et ont de la peine à prendre de nouveaux clients. Il y a donc un risque que les clients se tournent vers des prestataires peu professionnels (et pas toujours moins chers) et que les projets n’aboutissent pas ou ne soient pas à la hauteur des espérances. Nous recevons chaque semaine de multiples demandes qui consistent à remodeler des sites instables et mal pensés. C’est vraiment dommage car il en va de l’image de notre métier, et le client y perd notamment beaucoup: les budgets et les délais sont souvent doublés, voire triplés.

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Florian Tosello

CEO de FirstPoint

Alexis Chappatte - intervieweur

Alexis Chappatte, consultant en commerce numérique à la Poste, dispose d’années d’expérience dans le domaine du conseil et de la mise en œuvre de projets de transformation numérique pour des clients allant de la PME à l’administration publique. Il les aide à développer une stratégie numérique durable qui tient compte des nouvelles habitudes de consommation et des attentes de leurs clients finaux.

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