Travail sans lieu de travail

J’ai apporté ma vie professionnelle dans mon lit, dans des lieux de travail que j’ai choisis et des espaces de coworking. La vie dans un bureau classique m’est peu compréhensible. L’emploi permanent ressemble de plus en plus au statut d’indépendant, processus enclenché bien avant l’ère du coronavirus. Nous, indépendants, avons donc temporairement plus de pratique que les employés dans certains aspects de la vie professionnelle.

Travailler dans un lieu qu’on choisit soi-même ne s’apprend pas du jour au lendemain. Au bureau, de nombreuses structures rythment la journée de travail. Elles ne garantissent pas toujours la meilleure productivité, mais vous ne serez au moins pas seuls face à vos soucis de productivité. Peut-être n’en avez-vous même pas.

La première victime du travail dans un lieu que l’on choisit soi-même est ce sentiment de «Je suis présent sur mon lieu de travail, donc tout ce que je fais compte comme du travail». Au lieu de ça, vous vous retrouvez chez vous ou dans un café et tout ce que vous faites ressemble fort, jusqu’à preuve du contraire, à du temps libre. Vous devez vous demander en permanence si vous êtres vraiment en train de travailler. Les autres se rendent également moins compte qu’avant de ce que vous faites, si vous travaillez ou si vous travaillez assez.

On s’habitue au travail en roue libre en deux temps. On prend d’abord conscience que les procédures qui semblaient si naturelles et faciles au bureau ne vont en fait pas tellement de soi. Le fait que la communication avec ses collègues ou le traitement des tâches paraissent moins compliqués au bureau n’est pas une loi immuable de la nature mais le résultat de structures développées et d’espaces partagés. Même le travail à domicile ne peut fonctionner sans de telles structures de soutien. Nous devons donc les construire. Une fois les restrictions dues au coronavirus levées, un espace de coworking peut remplacer certaines fonctions de soutien du bureau: il permet de faire la navette, de se trouver dans un environnement avec d’autres personnes qui travaillent et nous force à nous habiller complètement sur notre lieu de travail. Il permettra peut-être même de prendre des pauses communes et d’avoir des discussions de pause productives.

Ensuite, nous avons besoin de nous faire une idée plus réaliste de la quantité de travail que représente une journée de huit heures. Sur les lieux de travail traditionnels, les personnes travaillent en moyenne cinq heures de manière semi-concentrée. Le reste ne sert qu’à étoffer la journée. Il est occasionnellement possible pour quelqu’un, dans une situation exceptionnelle, de travailler huit heures de manière complètement concentrée (avant une deadline, sur un projet particulièrement intéressant ou dopé par une quantité impressionnante de café). Ce n’est toutefois pas le cas le plus courant. À cet égard, le passage au travail à domicile n’a rien changé. Il est inutile, et même contre-productif, de se torturer à l’idée de faire trop de pauses ou d’être entouré de distractions. La culpabilité demande aussi des efforts, elle détourne votre attention d’activités plus significatives et vous fatigue. Si vous arrivez à y passer outre, vous aurez presque terminé votre formation au travail à domicile. Il ne vous manque plus que quelques années de pratique.

En raison de la situation actuelle, Connecta Berne aura à nouveau lieu sous forme virtuelle en 2021. La diversité du numérique mise en exergue par Connecta transparaîtra non seulement sur le Connecta Blog, mais aussi à travers les formats Connecta TV et Connecta Talk. Pour en savoir plus: www.post.ch/connecta