Les clés du succès de Temu et Shein

Au cours de l’année et demie écoulée, les plateformes chinoises comme Temu et Shein ont gagné des parts de marché à une vitesse impressionnante dans l’e-commerce, y compris en Suisse. Comment expliquer ce succès fulgurant? Et quelles en sont les conséquences pour les commerces suisses?

Ces questions étaient au cœur de la masterclass de Björn Ognibeni de ChinaBriefs.io à l’occasion de la conférence Score! 2025, le 14 mai dernier. Cet expert de la Chine analyse le développement de Temu & Co., et explique ce que nous avons à apprendre des fournisseurs chinois.

(La vidéo est disponible uniquement en allemand)

Tout est dans la manière d’envisager les plateformes

Un point essentiel réside dans le fait que Temu et Shein pensent l’e-commerce différemment de nombreux fournisseurs occidentaux. Alors que chez nous, les activités reposent souvent sur des campagnes – qui permettent, de manière régulière, d’atteindre un certain taux de pénétration pour réaliser un chiffre d’affaires à court terme –, les plateformes chinoises misent davantage sur l’utilisation à long terme de leurs applications. Leur objectif est d’inciter les clientes et les clients à les utiliser régulièrement. Une fois cette étape franchie, le chiffre d’affaires est presque automatiquement généré, sans qu’il soit nécessaire d’acquérir constamment une nouvelle clientèle. À cela s’ajoute le fait que les fournisseurs investissent massivement dans la publicité et dans la couverture médiatique afin de créer ce cercle vertueux. En combinaison avec des processus d’adaptation agiles, il s’agit d’une recette à succès qui s’est avérée très efficace jusqu’à présent.

Temu n’est plus seulement synonyme de livraison directe de Chine

Autre aspect: de nombreuses discussions autour de Temu reposent encore sur l’image d’un simple expéditeur direct de produits bon marché en provenance de Chine. Mais cette image est aujourd’hui dépassée. Temu mise de plus en plus sur des modèles dits «local-to-local», c’est-à-dire sur la vente de marchandises déjà importées qui sont imposées et dédouanées de manière régulière. Cela réduit les risques d’attaque réglementaires et améliore l’expérience client.

Apprendre sans recopier

Qu’est-ce que cela signifie pour les commerces européens? Je suis d’avis de s’intéresser aux méthodes des fournisseurs chinois, sans pour autant chercher à les copier telles quelles. Il s’agit plutôt de s’en inspirer: comment puis-je fidéliser durablement les clientes et les clients à ma plateforme? Comment puis-je les inciter à faire des achats réguliers chez moi?

La recommandation la plus importante est donc la suivante: ne pas penser uniquement en termes de campagnes, mais en termes de relations. La mise en place d’une plateforme forte, qu’il s’agisse d’une boutique en ligne, d’une application ou d’une place de marché, devient un facteur de réussite central.

Quid de la suite?

La situation actuelle du marché n’est pas une fin en soi, elle fait partie d’une évolution à long terme. Après avoir d’abord vendu par l’intermédiaire de commerces occidentaux, les fabricants chinois sont désormais présents sur leurs propres plateformes, conservant ainsi l’interface clientèle. À l’avenir, il se pourrait également que des marques chinoises fortes fassent leur apparition et concurrencent les produits occidentaux sur le plan qualitatif.

En outre, si les influences politiques telles que les droits de douane devraient avoir des répercussions à court terme, elles ne changeront pas grand-chose à long terme – l’approche des fournisseurs chinois affiche un dynamisme et une capacité d’adaptation bien trop importants.