Les places de marché en ligne en Suisse

Les places de marché dominent de nombreux marchés nationaux de l’e-commerce. On trouve, principalement, Amazon aux États-Unis et dans une grande partie de l’Europe, Alibaba en Chine ou encore Rakuten au Japon. En Suisse, le marché est bien plus fragmenté. Pourquoi? Et quelles sont les places de marché les plus importantes chez nous?

En Chine, le groupe Alibaba (Taobao, Tmall) a atteint en 2018 une part de marché de 56% dans le commerce en ligne B2C. Quant à Amazon, il en est déjà à 50% aux États-Unis, en Allemagne mais aussi en France. La Suisse ne connaît pas une telle domination. Si l’on cumule les parts des trois places de marché nationales d’Amazon sur lesquelles les consommateurs suisses font leurs achats – amazon.de, amazon.fr et amazon.it –, on obtient un total de 8% en 2018.

Cette fragmentation est imputable à différents facteurs. La Suisse est, pour les acteurs internationaux, un marché moins intéressant car plus petit en taille et plus compliqué à aborder, en raison des frais de douane et du multilinguisme. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on a observé dans de nombreux pays européens où il est présent dès la fin des années 1990, Amazon n’a pas joué un rôle de pionnier dans le commerce en ligne en Suisse. Ce sont de multiples acteurs locaux qui s’en sont chargé: Digitec, Brack, Microspot, Ricardo ou encore Leshop.

Même s’il est moins dominant que dans les pays qui nous entourent, le modèle de la place de marché a une importance croissante en Suisse. Il est présent sous quatre formes principales, que je propose de présenter dans l’ordre de leur popularité auprès des consommateurs suisses en 2019.

Les plateformes C2C, toujours très appréciées

La place de marché la plus utilisée en Suisse est ricardo.ch (80% des consommateurs la mentionnent). Ricardo.ch, tutti.ch (52%), ebay.ch (49%) et anibis.ch (40%) sont toutes des plateformes principalement destinées au commerce entre particuliers (C2C). Si elles sont populaires, elles n’occupent qu’une part de marché limitée du commerce en ligne B2C en Suisse (estimation < 5%). Elles restent néanmoins incontournables pour certaines catégories de produits telles que l’automobile (auto.ricardo.ch et autoscout24.ch). La publication d’annonces y est gratuite, les mesures de publicité sont en revanche payantes. Si tutti.ch et anibis.ch ne demandent pas de commission, Ricardo prend 9% sur le montant d’une vente et ebay.ch entre 5% et 9%.

Les grands acteurs européens, de plus en plus présents

La 2e position en termes d’utilisation par les consommateurs suisses revient aux grands acteurs européens que sont Amazon (76%) et Zalando (63%). Avec un chiffre d’affaires de 785 millions de francs, Zalando.ch est le plus grand site e-commerçant de Suisse. Avec les différents sites d’Amazon (.de, .fr, .it), ces grands acteurs ont une croissance de l’ordre de 10% par année et jouissent d’un très grand trafic de visiteurs en ligne. Pour les détaillants suisses, il peut donc être très intéressant d’y proposer ses produits, plus dans l’optique stratégique d’augmenter sa visibilité que pour développer un nouveau canal de vente important. Zalando demande à ses partenaires tiers une commission allant de 5% à 25% du prix de vente, en fonction des produits et du contrat effectif avec la plateforme. Quant à la commission d’Amazon, elle va de 7% à 15% selon les produits.

Les places de marché suisses, en pleine mutation

67% des consommateurs disent acheter sur Digitec / Galaxus, qui appartient à la Migros. Il s’agit, avec un chiffre d’affaires cumulé de 950 millions en 2018, de la seule vraie place de marché d’importance basée en Suisse. Coop, de son côté, mise avec microspot.ch (242 millions de chiffre d’affaires en 2018) sur une place de marché généraliste, après l’échec de Siroop en 2018.

Digitec / Galaxus vous demandera entre 7% et 20% de commission sur vos ventes selon les produits. Dans les deux cas néanmoins, contrairement à Amazon, ce sont des places de marché sélectives. Autrement dit, ces prestataires décident seuls qui est autorisé à y vendre ses produits.

Microspot a récemment ouvert l’accès à sa boutique en ligne au premier distributeur hors du groupe Coop, Orell Füssli. Digitec / Galaxus a déjà une poignée de commerçants tiers choisis dans son assortiment. Même si pour l’instant, ces deux places de marché sont restrictives et donc peu intéressantes pour les commerçants suisses, on peut néanmoins parier, au vu des développements récents, qu’elles deviendront à terme des «Amazon suisses» et renforceront leur poids sur le marché en ligne grâce à la domination de leurs propriétaires respectifs sur le commerce de détail physique.

La croissance folle des plateformes chinoises

Les places de marché chinoises Wish et Aliexpress sont citées par respectivement 40% et 35% des consommateurs. Elles ont connu toutes les deux une croissance folle de leur chiffre d’affaires en 2018: de 170% pour Aliexpress.com et de 154% pour Wish. Les deux plateformes sont ouvertes à tous les commerçants et demanderont en moyenne une commission par vente de 8% pour Aliexpress et de 15% pour Wish. Selon notre sondage, un très faible nombre de commerçants basés en Suisse y vendent leurs produits. Concrètement, pour des raisons de coûts et de marges, leur attrait pour les commerçants suisses est limité. L’écrasante majorité des vendeurs sur ces plateformes sont soit des producteurs basés en Chine, soit des commerçants qui font du dropshipping via ces dernières.