Les bons managers font parfois de mauvaises choses

J’ai récemment échangé avec le CEO d’une entreprise technologique au sujet du nouveau monde merveilleux des données et des algorithmes.  Il m’a parlé avec enthousiasme de son voyage en Chine.

Il a été bluffé de pouvoir commander son repas de midi via une application, en étant confortablement installé dans un train à grande vitesse, puis de se faire livrer par un coursier à vélo à la prochaine gare, directement dans son compartiment.

Visiblement, les conditions de travail abusives de ces coursiers ne l’ont pas effleuré: contrat de travail précaire, horaires impitoyables dictés par des algorithmes et absence d’assurance-accidents.

Bien sûr, l’enthousiasme de mon interlocuteur pour la technique ne fait pas de lui une mauvaise personne. Cet exemple montre clairement à quel point nous pouvons faire fi de l’éthique. En tant qu’utilisateurs d’une nouvelle technologie fascinante, nous n’avons pas l’habitude de poser des questions critiques.  Généralement, nous nous arrêtons à la surface et ne voyons que ce qui est beau et attrayant.

Tout comme nous, qui en tant que consommateurs perdons facilement de vue la question de l’éthique, les managers et programmeurs travaillant dans les entreprises qui développent ces produits se focalisent souvent tellement sur l’aspect économique et technologique qu’ils négligent les retombées éthiques. Cette perception sélective n’est pas fondamentalement mauvaise. Nous ne pouvons pas faire autrement! À chaque instant, nous sommes submergés de millions d’informations et nous ne pouvons en traiter qu’une petite partie. Pour ne pas être paralysés dans nos décisions, nous avons besoin de faire des raccourcis et de filtrer ces informations. Malheureusement, nos filtres sont souvent trop sélectifs et font abstraction de l’éthique. Cela peut très facilement être le cas, si, en tant que programmeur ou manager, je n’ai jamais appris à réfléchir à la dimension éthique de mes activités dès le départ et si en outre, tous les membres de mon équipe ont les mêmes filtres mentaux. 
D’autres facteurs, tels que la pression sur le temps et la performance, renforcent encore l’impact de ces filtres. D’où une vision étroite:

• Face à la promesse de gagner beaucoup d’argent grâce aux données, presque toutes les objections éthiques peuvent être balayées. 
• La plupart des produits informatiques sont aujourd’hui développés selon le principe du «fast and cheap». Personne ne prend le temps de réfléchir aux éventuels dommages collatéraux liés à l’éthique.

Ainsi, pour mettre en place une éthique numérique, nous avons besoin de systèmes de gestion qui prennent en compte dès le départ la dimension éthique des produits, projets et stratégies. Il est complexe, coûteux et risqué de remettre l’éthique sur le devant de la scène et cela peut ne pas compenser l’atteinte à la réputation et la perte de confiance qui en résultent. Pour que cette approche «Ethics by Design» fonctionne, les entreprises doivent investir dans la compétence éthique de leurs managers et programmeurs, accroître la diversité au sein des équipes et promouvoir les échanges sur les problèmes éthiques dans l’entreprise.

Connecta n’aura malheureusement pas lieu comme prévu. Bettina Palazzo aurait dû figurer parmi les 80 intervenantes et intervenants. Un programme alternatif vous attend avec Connecta TV, Connecta Dok et Connecta Talk – En savoir plus: www.post.ch/connecta.